Pour les instits: Adapter facilement le quotidien des élèves dyslexiques en classe

Il y a depuis quelques semaines, et comme à chaque début d’année scolaire, une énorme demande de logopédie. Il y a également, et je suis tellement heureuse de le constaster, des instituteurs et institutrices terriblement investi.e.s . qui me contactent directement ou demandent aux parents une liste des aides qu’ils peuvent mettre en place dans la classe.

 


D’abord, un petit rappel hyper-condensé-à-la-grosse-louche. La dyslexie est similaire à un court-circuit dans l’identification automatisée des mots écrits.

Elle est souvent accompagnée:
– de difficultés dans l’espace,
– de difficultés visuo-attentionnelles
-de  problèmes d’organisation.

Y’en a un peu plus, je vous l’mets quand même ?

Des difficultés dans l’écriture et dans l’orthographe font aussi souvent partie du « pack ».

Ce couac dans l’identification automatisée force les personnes dyslexiques à passer par la voie d’assemblage (b + a = ba) , ce qui est évidemment normal en début de 1ère primaire, mais qui devient handicapant lorsqu’il s’agit de lire des sons complexes (o + n = on et pas « one »). Pas évident non plus lorsqu’il s’agit comprendre des phrases et des textes. Toute l’énergie disponible est utilisée pour déchiffrer le texte, au détriment du sens. Alors quand en plus, on ajoute une petite touche de difficultés dans l’attention visuelle, et un soupçon de troubles de l’organisation spatiale, on se retrouve avec des inversions de lettres, de syllabes, des oublis de lettres, des confusions visuelles (n/u, p/q/b/d, m/n), etc.
Généralement, il faut de plus, rester bien assis sur sa chaise, alors qu’on galère et qu’on a juste envie de s’aérer, boire un peu d’eau et reprendre ses esprits… Et en plus, il y aura des devoirs ce soir. Pas facile, la vie d’écolier !

Pour vous mettre dans la peau d’un dyslexique, tentez de résoudre ce problème:

« Monsieur et madamare novon deupari achameau nit. Ladisten cet deux 600 Km lavoix tureconsso me 10 litr rausan quil aumaître. Ilfocon thé 18€ deux pé âge d’aux taurou tet 8€ dere papour désjeu néleumidit. Les sens kou tes 1€ leli treu ilpar ta 8 eureh. Kélai laconso mas siondes sans ? Quélai ladaipan setota lepour levoiaje ? »
C’est pas gai, hein? Tous les jours, plusieurs heures par jour. Avec parfois des « Mais enfin, il le fait exprès ou quoi? » ou « Il ne fait pas d’effort » écrit en grand et en rouge dans le journal de classe (du vécu, pas plus tard qu’il y a une semaine 🙁  )

Voici des adaptations relativement faciles à mettre en place.

Utiliser des repères de couleurs :utiliser une couleur pour mettre en évidence les sons complexes on, an, eu, etc. par exemple, ou chez les plus jeunes, souligner la première lettre des mots, ceci est également valable pour les calculs (abaques avec colonnes colorées et rappel de ces couleurs par la suite)

Se placer à côté de l’enfant lorsqu’il demande de l’aide (c’est parfois déjà tellement difficile de faire ses lettres ou ses chiffres à l’endroit…)

Laisser l’élève utiliser un guide de lecture opaque pour suivre la ligne sans être pollué par les lignes qui suivent. Chez certains dyslexiques, il est même recommandé d’utiliser une « fenêtre » de lecture, qui permet d’isoler la ligne lue de celles du dessus et de celles du dessous.
Pour les calculs, il est également assez facile de bidouiller un carton avec une fenêtre qui a la taille du calcul. Ca permet à l’élève de se concentrer sur le calcul en question et ça évite parfois les erreurs de type « Quand ce ne sont que des +, ça va, quand ce ne sont que des – aussi, mais quand c’est mélangé, c’est foutu » (ça vous rappelle quelqu’un ?)

Adapter les supports :

Pour certains, le texte est plus lisible s’il est présenté sur de la couleur. On peut glisser la feuille dans une pochette plastifiée colorée.

Agrandir le texte, adapter la police d’écriture. Il existe une police d’écriture gratuite pour les dyslexiques. OpenDyslexic , (comme dans le texte, dans l’image ci-dessus) elle a l’avantage de poser les points visuels importants sur le bas des lettres.

Aérer la présentation des exercices.

Relire les consignes de façon individuelle si possible, pour s’assurer que ça a bien été compris. Voire même, lorsque la compréhension à la lecture n’est pas la finalité de l’exercice, lire la consigne à la place de l’élève.

Au niveau des consignes, il est également possible de réfléchir à la formulation, privilégier les phrases courtes et simples.

Pour les difficultés d’écriture, ne pas se formaliser sur des lettres trop grandes ou qui ne touchent pas les lignes. Un enfant qui a besoin de place pour lire aura également besoin de place pour écrire et se relire.

Eviter de faire recopier un tableau complet. Ca paraît d’un autre âge dit comme ça, mais il arrive encore trop souvent de voir des leçons entières recopiées du tableau.
Bon, ça mérite un gros paragraphe, ça.
C’est difficile pour tous les enfants, pas uniquement dyslexiques, de coucher sur un support horizontal, quelque chose qu’ils voient sur un support vertical.
Ca implique de lire la phrase, la retenir, en retenir l’orthographe, passer à la phrase suivante (et donc relire ce qu’ils ont déjà fait à chaque fois qu’un élément viendra perturber le cours de l’écriture). Ça demande une attention et une concentration extrêmes. Le fait de devoir incliner la tête (et parfois la tourner, pour ceux qui ne sont pas face au tableau) demande de se ré-orienter entre chaque ligne. Pour les enfants dyslexiques, la difficulté est multipliée par 10 000 (au moins !) car ils lisent mot par mot, doivent retenir, écrire, galérer, relire (et c’est difficile de se relire !), regalérer, gommer, retrouver où ils en étaient, ré-écrire, …. (je continue ?)

La dyslexie implique souvent l’existence d’une dysorthographie. C’est la difficulté à fixer l’orthographe des mots. Quand le mot est régulier, il souffre des confusions, inversions, omissions dont on a parlé plus haut. Quand le mot est irrégulier, il ne souffre plus, il agonise.

Pour aider : rassembler les mots en fonction de leurs difficultés. Notre pensée s’organise en réseaux et nous avons un réseau où nous rassemblons, par exemple, les mots en « on » et en « om », mais le mot « tomber » fait également partie du réseau « verbes du 1er groupe ». Les personnes dysorthographiques ont du mal à organiser ces réseaux et surtout les faire interagir.
On dira « Mais enfin, dans la dictée sur les « on/om » ça a été, et dans une phrase, il a tout oublié ! » Il n’a pas oublié, mais ses réseaux ont du mal à s’organiser. Donc on doit le faire avec lui.

Pour le vocabulaire orthographique de base, il existe de chouettes livres qui illustrent les mots: 60 dessins pour ne plus faire de fautes  et 99 dessins pour ne plus faire de fautes (le premier est plus orienté « enfants » dans les mots et les illustrations)

Enfin, et je sais que la plupart des instituteurs et des institutrices n’ont pas besoin de ce conseil, mais la tolérance et la bienveillance font partie des aides les plus importantes pour les enfants.
Qu’ils comprennent qu’ils peuvent se tromper, qu’ils sont là pour apprendre et que nous sommes là pour les aider, qu’ils comprennent que leur dyslexie n’est pas une fatalité et que de toutes façons, s’ils ont du mal en lecture et en orthographe, une foule de talents n’attendent qu’eux pour pouvoir s’exprimer, donc ça ne sert à rien de se mettre la pression.

Les enfants dyslexiques qui sont acceptés et mis en valeur font des ados et des adultes courageux, tenaces et créatifs. Ils ne veulent pas se sentir dévalorisés et n’ont pas à souffrir de discrimination. Demander les mêmes compétences à un enfant dyslexique qu’à un enfant qui ne présente pas ce type de troubles est, selon moi, de la discrimination.

Gardons en tête que l’école ne devrait pas être là pour formater les élèves mais pour les aider à construire leur propre voie.

Pour aller plus loin, il y a notamment le livre de la collection « 100 idées » qui permet de suivre de bonnes pistes.

Article de Sophie Lenaerts

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